Un tribunal en Suisse a décidé d'examiner une action en justice visant Holcim, le célèbre géant du ciment, à l'initiative de résidents d'une île indonésienne menacée par la montée des eaux. Cette étape marque une avancée historique dans le domaine de la justice climatique. Pour la première fois le 22 décembre, un tribunal helvétique a jugé recevable une plainte qui relie les activités d'une multinationale au changement climatique.
Les quatre plaignants, habitants de l'île de Pari, située à environ 40 kilomètres au nord de Jakarta, soutiennent que l'élévation des températures et la montée des eaux sont en grande partie causées par les émissions de CO2 des industries comme celle d'Holcim. Leur quotidien est de plus en plus perturbé par des inondations salines, qui menacent non seulement leurs habitations mais aussi leurs moyens de subsistance.
La coresponsabilité climatique en question
Les écologistes rappellent qu'Holcim est l'une des cent plus grandes entreprises émettrices de CO2 au monde, assumant ainsi une responsabilité significative dans le dérèglement climatique. Selon des experts, d'ici 2050, presque l'intégralité des 42 hectares de l'île pourrait être submergée.
Bien qu’Holcim ait vendu ses cimenteries indonésiennes en 2019, les plaignants estiment que la multinationale demeure « coresponsable de l'élévation des températures, et donc de la montée des mers », comme l'indique Yvan Maillard-Ardenti de l'Entraide protestante suisse (Eper). Le tribunal de Zoug, siège de la société, a reconnu que « les plaignants méritaient une protection juridique en tant que personnes dont l’existence est affectée par le changement climatique ».
Les habitants demandent à Holcim des compensations pour les dommages subis ainsi qu'un engagement à financer des mesures d’adaptation face aux inondations, tout en exigeant une réduction rapide des émissions de CO2 de l'entreprise.
Un secteur sous le feu des critiques
« Bien que nous ayons anticipé cette situation et que nous prévoyons de faire appel, il est essentiel de rappeler que la définition des émissions de CO2 est du ressort du législateur, et non des tribunaux », a déclaré un représentant de l’entreprise. Cependant, le tribunal a rejeté cet argument, soulignant que les décisions judiciaires peuvent jouer un rôle complémentaire aux politiques environnementales.
Traditionnellement, ce sont les entreprises pétrolières qui se retrouvent souvent dans le viseur des militants écologiques. Cependant, cette affaire avec Holcim pourrait établir un précédent pour d'autres secteurs moins médiatisés, mais tout aussi polluants, tels que le ciment, qui génère environ 8 % des émissions mondiales de CO2 chaque année. En France, des sources comme Le Monde et France 24 rapportent également la montée en puissance des contentieux climatiques dans le pays, soulignant la nécessité pour les entreprises de rendre des comptes quant à leurs impacts sur le climat.
Cette démarche s'inscrit dans un mouvement global visant à faire porter une plus grande part de responsabilité aux grandes entreprises face aux conséquences climatiques qu’elles engendrent. De plus en plus, les juridictions de différents pays commencent à examiner la responsabilité des entreprises basées sur leur siège, même lorsque les impacts se manifestent à l’étranger.
Dans un contexte similaire, un agriculteur péruvien avait intenté un procès contre le groupe énergétique RWE, affirmant que ses émissions avaient contribué à la fonte des glaciers et mis en péril ses terres agricoles. Bien que la demande ait été rejetée par les juges allemands, la décision a établi un précédent pour engager la responsabilité des grands émetteurs concernant des événements climatiques touchant d'autres régions.
Des actions similaires ont également été réalisées au Royaume-Uni où des survivants d’un typhon ont attaqué le géant pétrolier Shell, marquant ainsi une lutte collective pour la justice climatique qui prend un élan mondial.







