Dans une usine en Chine, un bras robotisé manœuvre un véhicule autonome en voie d’achèvement, révélant ainsi la montée de l'automatisation qui touche progressivement les petites et moyennes entreprises (PME) du pays. Le géant asiatique, premier marché mondial pour les robots industriels, investit massivement dans la robotique et l'intelligence artificielle (IA), renforçant cette dynamique.
Des usines avec une présence humaine minimale fonctionnent déjà, mais cette avancée technologique soulève des questions cruciales sur la perte d'emplois et les coûts de la transition pour les entreprises de taille modeste. Selon des experts et des dirigeants d'usines, la clé réside dans un modèle hybride d'automatisation partielle.
Liu Jingyao, directeur de l'usine Neolix de Yancheng, insiste sur la nécessité d'avoir des humains dans les chaînes de production même les plus automatisées. "Il faut encore des humains pour de nombreuses décisions et certains gestes techniques"," rappelle-t-il. Son entreprise fabrique de petits véhicules utilitaires autonomes dédiés au transport urbain de colis. Juste à côté, des véhicules autonomes parcourent un circuit d'essai, défiant des obstacles variés. Dans une salle voisine, des ouvriers s'affairent à assembler les puces électroniques et les caméras, les cœurs de ces automobiles intelligentes.
L'automatisation vise à "assister l'humain, à alléger sa charge de travail, pas à le remplacer". Cependant, avec la montée en puissance de l'IA dans l'industrie chinoise, encouragée par les politiques gouvernementales, une automatisation complète devient réalisable dans plusieurs secteurs, comme le souligne Ni Jun, expert à l'Université Jiaotong de Shanghai. Des géants technologiques, comme Xiaomi, illustrent ce développement : leur usine peut produire des smartphones en l'absence de main-d'œuvre, grâce à des bras robotisés et des capteurs.
Cependant, un "fossé numérique" se creuse entre les grandes entreprises, capables d’investir dans cette modernisation, et les PME qui luttent pour suivre le rythme. Zhu Yefeng, propriétaire de l'imprimerie Far East Precision Printing près de Shanghai, illustre ce dilemme. Employant une poignée d'ouvriers qui introduisent manuellement des informations dans des machines de pliage, il a constaté il y a deux ans que la gestion des tâches était chaotique. "C'était le chaos complet", se souvient-il. Maintenant, grâce à un logiciel de gestion, les employés peuvent suivre les commandes via des codes QR, transformant ainsi l'organisation interne.
Bien que Zhu considère cela comme une première avancée, il aspire à des technologies d'automatisation plus sophistiquées pour attirer de plus gros clients. "Mais l'argent manque", déplore-t-il. "Nous sommes une petite entreprise, certaines dépenses sont au-dessus de nos moyens." Jacob Gunter, analyste à l'institut Mercator à Berlin, alerte sur les risques de pertes d'emploi face à l'automatisation à grande échelle. "Les entreprises vont chercher à réduire leurs effectifs, mais le gouvernement devra faire face à la pression sociale pour maintenir un haut niveau d'emploi", affirme-t-il.
Le souhait de Pékin de promouvoir la robotique industrielle se heurte ainsi à la nécessité de conserver des emplois dans un marché déjà tendu. Les industriels devront jongler entre faisabilité technique, responsabilité sociale et impératifs économiques, comme l'énonce Ni Jun. Pour Zhou Yuxiang, patron de Black Lake Technologies, la start-up fournissant le logiciel à l'usine de Zhu, les modèles de production resteront en grande partie "hybrides". "Aucune entreprise ne souhaite une usine entièrement robotisée, l'objectif véritable est d'optimiser la production tout en répondant aux attentes des clients et en générant des profits," conclut-il.







