Six ans après l'ouverture de l'enquête à Paris, l'affaire de Christian Nègre, ancien directeur des ressources humaines au ministère de la Culture, continue de défrayer la chronique. Accusé d'avoir humilié près de 200 femmes, Nègre est sous le coup d'une enquête qui semble s'éterniser, laissant les victimes dans l'incertitude et le désespoir.
Mis en examen fin 2019 pour des faits graves tels que l'administration de substances nuisibles et l'agression sexuelle par personne abusant de l'autorité conférée par sa fonction, Nègre a mis en place un système inquiétant, répertoriant méthodiquement ses victimes dans un tableau. Selon des sources proches du dossier, 197 femmes de tous âges font partie des victimes attestées, ayant chacune vécu des expériences traumatisantes.
Des victimes témoignent
Pour certaines, il s'agit d'un véritable parcours du combattant. Hiyam, victime parmi d'autres, décrit un épisode marquant de son expérience. Fraîchement arrivée à Paris à 25 ans, elle a accepté un rendez-vous au ministère. Après un café, qu'il a préparé, Nègre l'a poussée à un long calvaire à travers Paris. "Je me disais que j'allais mourir", confie-t-elle, soulignant qu'elle a seulement compris quatre ans plus tard que son café avait été empoisonné.
Cette lenteur de la justice est source de frustration pour les victimes, qui parlent de "victimisation secondaire". La Fondation des Femmes a exprimé des inquiétudes quant à l'incapacité du système judiciaire à traiter des affaires d'une telle ampleur. Dans une déclaration, elle souligne : "L'agresseur présumé continue d'exercer dans le domaine des ressources humaines".
Une enquête en pause ?
Malgré les témoignages accablants et la réactivité du ministre de la Culture de l'époque, qui avait qualifié Nègre de "pervers", l'enquête prend du temps. Chaque juge d'instruction à Paris gère environ une centaine d'affaires, dont certaines sont prioritaires. Ainsi, l'ampleur du dossier ainsi que le manque de moyens expliquent la lenteur de la procédure.
Des réunions d'information pour les parties civiles sont prévues en 2026. En attendant, certaines victimes reçoivent des compensations administratives, comme une ancienne candidate à un poste qui a obtenu 12 000 euros après son expérience traumatisante avec Nègre. Ce dernier, contacté par l'AFP par l'intermédiaire de son avocate, Me Vanessa Stein, refuse de commenter l'affaire en cours.
Cette affaire, qui met en lumière des dysfonctionnements dans le traitement des violences faites aux femmes dans les institutions, appelle à une réforme urgente du système judiciaire français. Comme l'a si bien résumé le juriste Benjamin Lévy, "il est impératif que la justice puisse traiter tous les cas avec la même rigueur, indépendamment de la personne impliquée".







