Le président brésilien Lula a ouvert la voie jeudi à une potentielle mise en attente de l'accord commercial entre l'Union européenne et les pays du Mercosur, alors que des milliers d'agriculteurs ont manifesté à Bruxelles pour exprimer leur colère.
Négocié depuis plus de 25 ans, ce traité de libre-échange pourrait permettre à l'UE d'augmenter ses exportations de véhicules, de machines, ainsi que de vins et spiritueux vers l'Argentine, le Brésil, le Paraguay et l'Uruguay. En échange, il faciliterait l'importation en Europe de produits comme la viande, le sucre, le riz, le miel et le soja, ce qui suscite des inquiétudes au sein des filières agricoles européennes.
Lors d'un entretien téléphonique avec la cheffe du gouvernement italien, Giorgia Meloni, Lula a rapporté qu'elle lui avait demandé de faire preuve de "patience" concernant l'accord, promettant le soutien de l'Italie à l'avenir. Le président brésilien doit maintenant transmettre cette demande à ses homologues latino-américains pour une décision collective.
Ce report apparent pourrait offrir un répit temporaire à des pays comme la France, qui a exprimé son désaccord avec l'accord actuel, jugeant qu'il n'est pas satisfaisant. Ce développement constitue un revers pour la Commission européenne, ainsi que pour l'Allemagne et l'Espagne, qui espéraient formaliser l'accord rapidement.
Ursula von der Leyen, présidente de la Commission, avait prévu de signer le traité lors du sommet du Mercosur à Foz do Iguaçu, mais elle avait besoin d'une majorité qualifiée des États membres, ce qu’elle n’a pas réussi à obtenir. La France, l'Italie, la Pologne et la Hongrie étaient prêtes à s'opposer à la signature.
Parallèlement, une manifestation massive d'agriculteurs a eu lieu à Bruxelles, avec des reports de pneus enflammés et des affrontements avec la police. La police bruxelloise a estimé à 7.300 le nombre de participants, bien qu'un grand nombre de tracteurs ait engorgé le quartier européen, soulignant le mécontentement croissant. Des agriculteurs expriment leur frustration face à une concurrence déloyale, arguant que les produits sud-américains ne respectent pas les normes environnementales que les leur imposent l'UE.
Florence Pellissier, une agricultrice de Seine-et-Marne, a déclaré : "On nous ramène des poulets de mauvaise qualité. Cette concurrence déloyale met en péril nos exploitations." De son côté, Maxime Mabille, producteur laitier belge, a dénoncé les intentions de la présidente de la Commission, craignant une imposition de l'accord sans concertation.
Ursula von der Leyen a rencontré une délégation d'agriculteurs lors de la manifestation. "L’Europe sera toujours derrière vous", a-t-elle promis sur X après leur entretien. La Copa-Cogeca, un lobby agricole majeur, a avancé un chiffre de 10.000 manifestants en provenance de plusieurs pays, principalement de France.
Les inquiétudes au sujet de l'accord sont aggravées par les changements potentiels dans la politique agricole commune, que la Commission est accusée de vouloir affaiblir. Selon des experts, comme ceux de France Agrimer, cela pourrait entraîner une déréglementation accrue, au détriment des agriculteurs européens.
