Cette semaine, Baptiste Roger-Lacan, historien et auteur d'une oeuvre phare, retrace le parcours tumultueux de l'extrême droite en France et ses relations souvent ambiguës avec la droite de gouvernement. Pour appréhender le débat actuel autour d'une potentielle union des droites, il est essentiel de comprendre les raisons de leur séparation, courtisée depuis 150 ans.
Les racines de la division
La séparation entre droite et extrême droite remonte aux années 1870, lorsque les monarchistes, majoritaires à l'Assemblée nationale, n'ont pas réussi à restaurer la monarchie. Cet échec est en grande partie imputable à l'intransigeance de certains de ces monarchistes, qualifiés pour la première fois d'extrême droite par l'historien Paul Thureau-Dangin, qui observait que cette tendance "entraîne et compromet la droite".
Une scission s'établit clairement, d'une part une droite acceptant la République et, d'autre part, une extrême droite s'opposant à elle, cultivant un profond antiparlementarisme ainsi que des sentiments antisémites et xénophobes. L'affaire Dreyfus constitue un catalyseur pour la structuration de cette extrême droite.
Un rapprochement dangereux dans les années 1930
Au fil des décennies, des moments de rapprochement ont eu lieu entre la droite et l'extrême droite. Le plus marquant a été celui des années 1930, période durant laquelle l'extrême droite s'est considérablement renforcée dans toute l'Europe. Le principal parti de droite en France a alors progressivement adopté une ligne de plus en plus nationaliste, critiquant le parlementarisme comme inefficace.
Ce rapprochement a été précipité par la montée du Front populaire, mal vu tant par la droite que par l'extrême droite. En 1940, on assiste à un tournant majeur lorsqu'une large majorité des parlementaires de droite vote les pleins pouvoirs à Pétain, entrainant certains d'entre eux à entrer dans le premier gouvernement de Vichy, comme l'indique le quotidien Le Monde.
Les obstacles au gaullisme
Depuis la Seconde Guerre mondiale, le gaullisme a persisté en tant que force prépondérante de la droite, ce qui a constitué une barrière significative à une union des droites. Toutefois, le livre de Roger-Lacan met en lumière la remarquable capacité de l'extrême droite à se réinventer au fil du temps. Malgré des changements idéologiques, allant d'une dénonciation d'un complot judéo-maçonnique au concept du "grand remplacement", son objectif ultime reste le même : se fondre dans la droite traditionnelle.
Des sociologues, comme l'expert en politique française Thomas Snégaroff, notent que l'extrême droite d'aujourd'hui a su exploiter les nouvelles technologies pour diffuser efficacement ses idées, attirant ainsi un public de plus en plus large. Comme le soulignait Thureau-Dangin, "son but est toujours de se confondre avec la droite et d’être elle-même la vraie et l’unique droite", un objectif qui semble toujours d'actualité dans le paysage politique français moderne.







