Ce samedi 13 décembre, Tbilissi, la capitale géorgienne, va accueillir la 23e édition de l'Eurovision Junior, un événement prisé dans le pays qui remet en lumière un paradoxe saisissant : alors que la Géorgie recherche une image dynamique sur la scène internationale, des manifestations pro-européennes, réprimées avec vigueur, agitent le pays.
Tout récemment, l'effervescence autour de cet événement a été palpable à travers les rues de Tbilissi, ornées de publicités affichant Andria Putkaradze, le vainqueur de l'édition précédente. Au cours d'une conférence de presse, Tea Tsulukiani, la ministre de la Culture, s'est réjouie de l'organisation de l'Eurovision Junior, arguant que cela permettrait de mettre en avant « notre voix, notre culture et notre jeunesse » sur le continent européen. Pourtant, comme l’a fait remarquer Rémi Pastor, rédacteur en chef à BFMTV, il existe un décalage entre ces beaux discours et la réalité politique, la Géorgie s'éloignant visiblement de l'Union européenne malgré ses aspirations.
Le 16 novembre 2024, Putkaradze a remporté le concours à Madrid, mais dans la foulée, des milliers de manifestants ont convergé vers le Parlement de Tbilissi, défiant un gouvernement accusé de fraudes électorales en faveur du parti pro-russe, « Rêve géorgien ». Les manifestations, qui ont débuté peu avant, résonnent comme un appel aux autorités pour qu'elles respectent les aspirations pro-européennes de la population. Les tensions se sont amplifiées après l'annonce du report des négociations pour l'adhésion à l'Union européenne par le gouvernement, déclenchant des confrontations avec la police.
Malgré ces tensions, la préparation de l'Eurovision Junior a pris un tournant chaotique. Le changement de lieu de dernière minute, passant d’un espace plus prestigieux à une salle de gymnastique vieillissante, a suscité de vives critiques. Selon des observateurs, cela témoigne d'une organisation fébrile et d'une volonté gouvernementale de masquer les problèmes internes. De plus, pour la première fois, aucune accréditation n’a été accordée aux journalistes pour couvrir l'événement, ce qui soulève des interrogations sur la transparence et la liberté de la presse dans le pays. Frank de Boer, directeur de l’Eurovision en Direct, a exprimé sa préoccupation face à cette situation, notant que les journalistes sont désormais considérés comme un risque pour la sécurité des participants.
En une année, le climat politique en Géorgie a changé de manière alarmante, empruntant des méthodes répressives similaires à celles de la Russie. Clément Girardot, un journaliste indépendant, souligne que le gouvernement semble culpabiliser l'Europe pour ses propres problèmes internes, ajoutant une couche de cynisme à la situation actuelle. Alors que les manifestations se poursuivent chaque semaine, la confiance entre la population et les dirigeants s'émousse, remettant en question l'avenir démocratique du pays.
Dans ce contexte, l'Eurovision Junior apparaît non seulement comme un divertissement, mais aussi comme un révélateur de fractures sociopolitiques. Alors que la Géorgie s'efforce de projeter une image dynamique sur la scène internationale, les défis internes pourraient bien compromettre cette opportunité tant attendue. En conclusion, l'événement pourrait finalement servir de miroir à la dualité de la nation, où festins et luttes se côtoient. L'avenir dira si la Géorgie parviendra à naviguer entre ces deux mondes, ou si elle sera dévorée par ses propres contradictions.
